Un nouveau chapitre : nouvelles ambitions et nouveau travail

C'est une décision déchirante, mais j'ai décidé de partir, ou plus précisément, de ne pas renouveler mon contrat. J'étais ingénieur logiciel dans une entreprise aérospatiale appelée MaiaSpace.

Tout a une fin ​

C'était mon premier emploi, mais pas nécessairement mon job de rêve, ou le travail dont j'avais rêvé.

Je n'avais jamais pensé pouvoir travailler dans l'aérospatiale, et je ne suis pas particulièrement passionné par les fusées. J'apprécie vraiment regarder les lancements et toutes les nouvelles technologies développées, comme l'atterrissage du booster et du premier étage de la Falcon 9 ou suivre le développement du Starship. Mais sans plus. La capture du premier étage du Starship entre les chopsticks était vraiment impressionnante !

Fin août 2024, j'ai posté sur LinkedIn pour partager que je cherchais une nouvelle opportunité, sans grandes attentes. Mais un ami a vu mon post et m'a contacté pour un poste dans son entreprise. Ils cherchaient quelqu'un avec mes compétences en développement web. Génial ! Je peux le dire sans risque maintenant, mais je n'ai postulé nulle part ailleurs. Tout mon espoir reposait sur cette opportunité.

Je lui ai demandé où il travaillait. Il m'a dit qu'il construisait une fusée réutilisable au sein d'une startup appelée MaiaSpace. Je n'ai pas vraiment demandé plus. J'étais juste emballé par le projet et l'idée de travailler sur un projet industriel, concret et impactant pour la France. Pour rejoindre l'entreprise, j'ai passé deux entretiens d'une heure, l'un avec l'équipe, et l'autre avec le PO et le CTO. Tout s'est bien passé, et j'ai été embauché pour un contrat d'un an.

J'ai été le premier, et le seul, développeur web de l'entreprise pendant presque toute cette période. J'ai donc eu l'opportunité de construire en partant de 0, avec les technologies que je voulais. La seule contrainte était d'avoir un produit fonctionnel le plus rapidement possible. J'ai choisi une stack assez simple pour pouvoir la gérer seul mais suffisamment puissante pour gérer les exigences du projet. Laravel, Vue.js et Inertia.

La tech n'a jamais été la partie compliquée de ma mission.

Quand vous arrivez dans un domaine qui vous est complètement inconnu, écrire du code est, de loin, la tâche la plus simple que vous puissiez faire. Comprendre le métier et le domaine, quand la plupart des mots sont des acronymes et que personne ne comprend votre travail, est vraiment difficile. Honnêtement, il m'a fallu des mois pour vraiment saisir suffisamment le domaine pour commencer à travailler efficacement, et pour livrer un produit utile. Une fois que vous l'avez, tout devient plus facile, et vous commencez à livrer des fonctionnalités qui aident vraiment les utilisateurs.

J'ai vraiment aimé tout ce dans quoi j'étais impliqué, et j'ai vraiment apprécié tout le monde dans l'équipe dont je faisais partie.

Un départ déchirant ​

J'ai développé le logiciel seul pendant près d'un an, passant plus de 845 heures dans VS Code. J'ai écrit et réfléchi à chaque ligne. Je l'ai vu naître, mourir et renaître. Ensuite, je l'ai vu grandir et évoluer, d'une simple idée à un système complexe, d'une page blanche à une application déployée, interconnectée avec divers composants et services. Au fil du temps, c'est devenu une partie cruciale du workflow de l'équipe.

Cela a même inspiré certains articles que j'ai écrits : Laravel et Vite : le cross-origin ruine l'histoire d'amour, Pinia Colada, les modales et l'expérience utilisateur, et Vous n'êtes pas ingénieur logiciel, et ce n'est pas grave.

L'opportunité de travailler sur un tel projet était incroyable, et ça a été une opportunité unique. Il n'y a pas deux MaiaSpace sur Terre, et il n'y a pas beaucoup d'entreprises travaillant sur des fusées réutilisables.

La vérité est que, même avec une opportunité aussi unique, je n'ai pas réussi à trouver ma place au sein de l'entreprise. Je n'étais pas aligné avec la vision, les valeurs et l'état d'esprit de l'entreprise. L'importance du projet industriel n'a pas été suffisante pour me garder motivé.

L'industrie aérospatiale européenne est petite, très fermée d'esprit, malgré les longues déclarations sur l'innovation et la disruption. Adopter de nouvelles idées est un défi pour eux. Certains travaillent dans l'industrie depuis plus de 20 ans. Ça a marché pour Ariane 5 et Ariane 6, alors pourquoi changer ? Ce n'est pas nécessaire.

Ils ont oublié une chose, une chose importante. Le but de MaiaSpace n'est pas seulement de construire un lanceur. Il s'agit de réduire les coûts et d'augmenter l'accessibilité à l'espace, ce qui est un changement fondamental. Nous savons comment construire une fusée. Ariane 6 se porte bien, et nous n'avons pas besoin d'une Ariane 6 bis. Le vrai défi est de se débarrasser de la couche bureaucratique, d'augmenter la vélocité, d'innover, et de le faire intelligemment. C'est honnêtement un objectif énorme, presque un changement culturel.

L'équipe dont je faisais partie était incroyablement talentueuse et passionnée. Ils comprenaient l'importance de mon travail, créer des logiciels pour faciliter, accélérer et automatiser le workflow. Malheureusement, au-delà de ce périmètre, la direction de l'entreprise voyait mon travail comme un simple centre de coûts, plutôt que comme une création de valeur. Au quotidien, cela signifiait que chaque petite action me demandait de déplacer des montagnes, et de gérer des batailles politiques internes auxquelles je n'aurais jamais dû avoir à faire face.

N'oubliez jamais que la jeunesse et une perspective nouvelle peuvent apporter bien plus de valeur que l'expérience. Accueillez le feedback.

De plus, aucun plan de carrière clair n'était proposé, et quand on est juste au début de sa carrière, c'est dur quand on ne voit pas de trajectoire pour progresser. Dans le même temps, j'adore écrire des talks et les donner lors de meetups et de conférences. Je consacre beaucoup de mon temps libre à cette activité, mais l'entreprise n'en a jamais vu la valeur. Plus de la moitié de mes jours de congés ont été passés à aller à des conférences. On ne peut pas vraiment appeler ça des jours de "vacances".

Enfin, être seul signifie que vous atteignez inévitablement un plateau où vous arrêtez d'apprendre et de grandir. Cela crée de la frustration, et un an après mon arrivée, j'ai senti que j'avais atteint un point de stagnation.

Il y avait des avantages à rester, comme il y en avait à partir.

Le processus de deuil ​

Je ne suis pas parti sur un coup de tête. Il m'a fallu des semaines pour arriver à cette conclusion.

En septembre, j'ai traversé une période importante de réflexion et de réévaluation. Avant d'envisager de partir, j'ai essayé de trouver des moyens d'améliorer ma situation au sein de l'entreprise. J'ai discuté de mes préoccupations avec plusieurs collègues pour trouver des solutions. Après des semaines à essayer de nombreuses approches différentes, j'ai dû accepter les faits. Je ne pouvais rien changer, et envisager de partir était la seule option restante.

Au début, je voulais vraiment rester, et je me suis remis en question. Suis-je le problème ? Que devrais-je faire pour améliorer la situation ? Aussi, je me persuadais que les choses pouvaient s'améliorer. Les gens à qui j'ai parlé m'ont dit qu'ils discutaient à trouver une façon de résoudre la situation. Je les ai crus.

Pendant l'attente, j'étais au plus bas. J'ai complètement perdu la joie de travailler, de créer, tant personnellement que professionnellement. La seule chose que je voulais, c'était rester sur le canapé, scroller sur mon téléphone, en attendant demain. La réalité était que la situation ne s'améliorerait pas par magie.

Après quelques semaines d'attente, rien n'avait changé au travail. Certains jours étaient même pires que d'autres. De toutes les options que j'ai envisagées, il n'en restait qu'une : partir. Je ne voulais pas l'accepter au début, mais après avoir parlé avec de nombreux amis et personnes extérieures à la situation, j'ai réalisé que c'était la seule option acceptable.

Il m'a fallu quelques jours pour l'admettre, mais ils avaient raison.

Savoir que je voulais partir a été une étape cruciale car je pouvais commencer à trouver des moyens de me relever. Qu'est-ce que je veux ensuite ? Où vais-je à partir de là ? Je peux explorer absolument tout ce que je souhaite. Une fois que j'ai trouvé ma direction et un nouveau travail, la vie est devenue plus douce, et le travail a cessé d'être difficile.

Avec du recul, c'était vraiment un processus de deuil qui a eu lieu en septembre. Je l'ai compris après coup, mais je suis sûr que le comprendre pendant que je le traversais aurait aidé à savoir comment le résoudre plus rapidement.

Aller de l'avant ​

C'était le passé, et maintenant il est temps de regarder vers l'avenir.

Je commence un nouveau chapitre dans une entreprise appelée Takima. C'est une société de conseil spécialisée en Angular, Java et tout ce qui touche à l'infrastructure. Je ne sais pas encore exactement sur quoi je vais travailler, mais je suis impatient de commencer à travailler avec eux.

J'ai rencontré Takima il y a deux ans, à Devoxx France 2023. Le premier talk que j'ai vu était celui de Loïc, actuel CTO, et Aurélien, ancien consultant, sur la construction d'une infrastructure GitOps from scratch. J'ai trouvé ça incroyable, et même si je ne comprenais pas tout, je savais que je voulais être capable de faire comme eux un jour.

En 2024, quand je suis retourné à Devoxx France, j'ai cherché les talks de Takima. Ils sont bien écrits, on apprend beaucoup, et on passe un bon moment. Plus tard dans l'année, Camille, consultante chez Takima et organisatrice d'événements tech, m'a invité à parler à l'un de leurs meetups appelé TakiMeet.

En 2025, toujours à Devoxx France, j'ai passé la plupart de mon temps sur leur stand, à discuter, échanger et apprendre avec l'équipe. Depuis, j'ai eu de multiples occasions de les rencontrer lors de conférences.

À travers toutes ces interactions, j'ai découvert plus qu'une simple entreprise. J'ai trouvé des gens passionnés qui se soucient de leur travail, qui aiment partager leurs connaissances, avec une vision et une culture tech que j'apprécie vraiment. J'étais aligné avec eux. De plus, je serai entouré de personnes qui font le même travail. Je ne serai pas le seul. L'un de mes espoirs est de trouver l'épanouissement dans cet environnement.

Alors, quand l'opportunité de les rejoindre s'est présentée, je n'ai pas hésité.

Maintenant, il est temps d'apprendre Java ! Je n'ai jamais vraiment écrit de Java auparavant, donc ce sera un nouveau défi pour moi. Je serai payé pour écrire du Java, donc il va me falloir être bon.

C'est quoi ton métier ? Je construis une fusée spatiale réutilisable. Était-ce vraiment la vérité ? Qui sait ? Ça n'a plus vraiment d'importance maintenant, je ne peux plus dire ça.

Qu'est-ce que je veux vraiment ?

Cette question m'a vraiment hanté. Au début, je n'étais pas capable de trouver une réponse. Je voulais trouver un point fixe, une direction claire qui ne changerait pas avec le temps.

Je suis maintenant convaincu que c'est une quête impossible.

La réponse à cette question fluctue inévitablement, et j'avais besoin d'accepter qu'il est normal que mes objectifs et mes désirs évoluent, en même temps que mes expériences et les personnes dont je m'entoure. Cette acceptation a vraiment réduit ma charge mentale et m'a fait me sentir plus apaisé.

Le changement est la seule constante.